L’autisme de l’intérieur, au coeur de la neuro-diversité
Qu’est-ce que l’autisme sans déficience intellectuelle (le TSA SDI) ?
Dans les stéréotypes de l’autisme la déficience intellectuelle peut être assimilée au fonctionnement autistique, alors même qu’il s’agit de deux particularités neuro cognitives distinctes et indépendantes l’une de l’autre.
En réalité l’autisme sans déficience intellectuelle est une part majoritaire du Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) car 80% des personnes autistes sont concernées (voir plus car un grand nombre de personnes autistes sans SDI ne sont pas détectées). Il s’agit d’un autisme sans déficit intellectuel. Et bien sûr, les personnes ayant une sur-efficience intellectuelle … HPI, THPI, TTHPI, HQI, THQI, sont concernées par cette forme d’autisme TSA SDI.
Pourquoi parle-t-on d’un Spectre Autistique ?
Depuis 2013 la communauté internationale a adopté cette nouvelle appellation TSA pour désigner l’autisme sous toutes ces formes. Car en 2013 le manuel de psychiatrie américain, le DSM, a paru sa nouvelle version, la cinquième, et ce manuel est la référence de la communauté scientifique internationale. Or, dans ce DSM 5 l’autisme est référencé comme un Trouble du Spectre Autistique. Ainsi l’ensemble des manifestations autistiques nommées dans le passé tel que le syndrome d’Asperger ou l’autisme de Kranner sont regroupées dans une seule dénomination TSA avec cette nouvelle notion d’un spectre.
Et de fait, la notion de spectre pour parler de l’autisme est très enrichissant, car cette notion illustre le fait qu’une multitude de possibilités concerne l’autisme. L’autisme chez une personne peut se manifester en combinaison avec d’autres atypies (HPI/THPI) ou troubles du neuro-développement (déficience intellectuelle, TDAH, Dys..) ou troubles psychiatriques (trouble bipolaire, etc). Et ainsi, passer quelques fois inaperçues parce que la ou les autres particularités prennent le dessus ou compensent l’autisme. Ainsi, le fonctionnement autistique d’une personne peut être presque invisible et être très difficile à identifier.
De plus, chaque personne autiste a sa propre manière d’incarner et d’exprimer son fonctionnement avec ses propres couleurs, car le fonctionnement autistique est une particularité neuro-cognitive (comme nous le verrons plus bas) pouvant se manifester de multiple manières.
Définition du TSA Trouble du Spectre de l’Autisme
Le TSA fait partie de ce que le DSM 5 appelle les troubles du neuro-développement TND. Puisqu’il s’agit d’une particularité neuro-cognitive de naissance. L’enfant naît avec un fonctionnement neuronale différent. Cette particularité étant abordée sous l’angle du trouble, celle-ci se trouve donc répertoriée dans les TND. Cela signifie que l’autisme n’est pas une maladie qui pourrait surgir à n’importe quel âge.
La définition que donne le DSM 5 de l’autisme est une définition à base des critères diagnostic qui sont regroupés en deux catégories. Ainsi, selon le DSM 5, le TSA est :
Des déficits persistants de la communication et des interactions sociales observés dans des contextes variés.
Un caractère restreint des comportements, des intérêts ou des activités (englobant ici entre autres les hypers et les hypos sensibilités).
Un autre regard sur l’autisme
Ainsi, nous pouvons constater que cette définition repose sur deux postulats de départ, fondations de l’élaboration de ce qu’est l’autisme et de comment le diagnostiquer. Quels sont ces deux postulats de départ ?
L’autisme s’appréhende selon les symptômes manifestes de la personne, de plus des symptômes ou comportements visibles.
L’autisme est un ensemble de déficits par rapport à un fonctionnement neurotypique normal, c’est pourquoi il s’agit d’un trouble.
Mais ces postulats de départ sur lesquels reposent tout l’édifice de l’autisme sont-ils ajustés à la réalité complexe du fonctionnement autistique ?
Car si l’on appréhende l’autisme d’un point de vue plus humaniste, avec humilité, dans le but de mieux comprendre l’ensemble de sa complexité, de ses subtilités et de sa diversité, nous pourrions envisager comme point de départ de nouveaux postulats :
L’autisme peut se comprendre véritablement qu’à partir d’une analyse du fonctionnement neuronal fondamental de la personne, en définissant l’autisme comme un fonctionnement neuro-cognitif particulier. Les symptômes seraient alors vue comme des possibilités de manifestations de ce fonctionnement. Ainsi, la personne en cours de diagnostic serait plutôt interrogée sur son fonctionnement de fond avec un regard qui chercherait à la comprendre de l’intérieur, et à relever ainsi ces particularités fondamentales, au-delà de sa manière de les manifester, au-delà de ses propres stratégies d’adaptation et de compensation ou non.
L’autisme est une particularité neuro-cognitive parmi d’autres, particularité divergente du plus grand nombre mais représentant une catégorie de personnes non négligeable sur le spectre de la neuro-diversité. Les neuro-typiques étant eux aussi une catégorie de personnes sur ce spectre. Ainsi, ce postulat, permet d’envisager l’ensemble du fonctionnement autistique de la personne avec ses atouts et ses richesses (car il y en a !) et d’éventuellement transformer la notion de trouble en celle de limite ou de différence avec le plus grand nombre. Ce qui n’empêche pas la personne autiste de reconnaître certains handicaps découlant de cette différence, de ce décalage avec le plus grand nombre.
Neurosciences et autisme
Dans la perspective de ces deux nouveaux postulats, une autre approche du TSA est alors possible. Il est essentiel de se rendre compte que l’autisme est un fonctionnement particulier, tout comme l’est le Haut Potentiel Intellectuel. Ce fonctionnement spécifique est alors passionnant à tenter de comprendre !
Thomas Bourgeron, responsable du laboratoire de Génétique humaine et fonctions cognitives à l’Institut Pasteur, écrit dans Des gènes, des synapses, des autismes “Chez les personnes autistes porteuses de certaines variations génétiques, les conséquences des mutations sont parfois très sévères (avec une altération du quotient intellectuel) parfois plus légères. Mais ces gènes ont des points communs. Ils participent à la plasticité synaptique et leurs mutations (génétiques) affectent les réseaux neuronaux en entraînant une activité trop élevée ou, au contraire, trop faible.”
Ainsi, Thomas Bourgeron démontre comment le fonctionnement autistique est avant tout une particularité neurologique avec soit trop de connectivité synaptique, soit pas assez, soit les deux selon les zones du cerveau. Or, cette atypicité de connectivité neuronale entraîne des difficultés dans l’homéostasie neuro-cognitive. Et par voie de conséquence dans l’homéostasie globale de la personne autiste.
Car, “Nous possédons plusieurs mécanismes biologiques qui régulent les courants excitateurs et inhibiteurs pour empêcher que les neurones et le cerveau se retrouvent avec trop d’activité ou pas assez. Pour éviter ces cas extrêmes, une régulation homéostatique ajuste la force et la taille de la synapse ainsi que l'excitabilité des neurones. D’une part, elle permet d’adapter au mieux la quantité de neurotransmetteurs déversée dans une synapse et le nombre de récepteurs à ces neurotransmetteurs.”
Ainsi, cette dysrégulation neuronale, ou régulation différente, propre aux personnes autistes engendre un fonctionnement spécifique du cerveau impliquant un autre rapport au monde et à soi-même. Quelles sont les grandes lignes des spécificités de ce fonctionnement ?
La personne autiste est-elle auto-centrée ?
L’étymologie du terme autisme permet de réenvisager l’autisme à partir de ce qui le définit dans ses fondements. “ Autisme” a été créé sur la base du radical grec « αὐτος » qui signifie « soi-même ». Même si le contexte dans lequel cette dénomination est apparue n’indique plus rien sur la condition autistique, puisque le terme autisme a été choisi en 1911 par Eugen Bleuler pour désigner un symptôme secondaire à la schizophrénie, il est intéressant de se rendre compte que ce psychiatre a identifié une catégorie de personnes fonctionnant différemment, pour laquelle le terme “soi-même” lui est venu.
Et ceci indique, il me semble, la base du fonctionnement autistique : une façon particulière d’être au monde à partir de soi-même, en fonction de soi-même, par soi-même, depuis soi-même. A partir de ses perceptions, de ses sensations, de ses propres références intérieures. Ce qui est intéressant ici est le “même” relié au soi renvoyant à une capacité d’auto-détermination de la personne autiste et donc d’autonomie, d’indépendance. Ce qui signifie que le fonctionnement autistique confère une indépendance dans le positionnement de la personne, positionnement toujours très personnel, depuis son intériorité. A la différence du positionnement neuro-typique qui est davantage depuis l’extérieur, et donc davantage dépendant ou en lien avec les autres, avec le contexte, les codes, les implicites, le statut social, l’âge, etc..
Afin de bien comprendre ce “par soi-même” autistique (que certains appellent auto-centrage) il me parait essentiel de le distinguer de ce que l’on connait bien, l’egocentrisme. Celui-ci désigne une façon d’être au monde pour soi, pour défendre ses propres intérêts et son propre moi, et ceci en lien avec les intérêts des autres (ou plutôt contre les intérêts des autres).
Car la personne égocentrique place son moi, son soi, au centre et les autres autour. Il s’agit donc d’une attitude qui s’appuie sur les autres pour les ramener à soi, dans un besoin narcissique. Le mouvement est inverse du “par soi-même”, partant de soi de manière innocente, ne cherchant pas à “utiliser” autrui pour satisfaire ses propres intérêts.
Ainsi le “par soi-même” autistique n’est pas une question d’auto-centrage car la notion de centre n’existe pas pour la personne autiste. Oui, celle-ci ne se met pas au centre puisque pour se mettre au centre faudrait-il qu’elle envisage le cercle avec ses périphéries, ses contours, l’extérieur du centre en quelque sorte.
Or, tout ceci n’existe tout simplement pas dans le rapport au monde autistique. Il y a seulement un point de départ, le par “soi-même”. Qui est par contre envahissant et intensément présent. Alors que la personne égocentrique est axée sur son but, en mouvement permanent pour tenter de ramener tout à soi, depuis l’extérieur vers son centre.
Il n’est par ailleurs pas exclu qu’une personne autiste cumule son fonctionnement “par soi-même” avec de l’egocentrisme en plus.
Cette différence subtile distinguant le par soi-même du vers soi (contraire aux autres), le depuis soi-même du pour soi, est absolument nécessaire pour comprendre l’autisme. Car bien souvent la personne autiste est envisagée sous l’angle de l’egocentrisme appelé alors auto-centrage, de celui qui ramène tout à lui, pour lui, et qui omet l’existence des autres.
Or, s’il est vrai que la personne autiste agit en fonction d’elle-même (parce que comme nous le verrons plus loin son cerveau perceptif et manuel ne peut faire autrement) et non en fonction de ce qui conventionnellement appris, socialement appris, à partir de filtres généraux impersonnels, elle n’agit pas pour être au centre, pour satisfaire ses propres intérêts en réaction à ceux des autres.
C’est pourquoi lorsqu’une personne autiste s’ouvre à quelqu’un, elle peut faire preuve d’une grande empathie, d’une hyper-empathie même, car elle se laisse envahir par le soi de l’autre au même titre qu’elle est envahie par son “soi-même”, comme si cela était le sien, en s’oubliant. C’est donc en quelque sorte tout ou rien.
C’est pourquoi souvent la personne autiste ne s’ouvre pas aux autres sinon cela met en péril son “par soi-même” à la base de son fonctionnement neuro-cognitif. Alors que la personne égocentrique s’ouvre ou ne s’ouvre pas aux autres à partir de son besoin narcissique de ramener vers soi en rejetant ou en utilisant autrui.
Pour une autre définition de l’autisme
Ainsi, ce “par soi-même” envahissant et intense au coeur du fonctionnement autistique est le résultat d’une double facette du cerveau de la personne autiste :
1/ En premier lieu, le cerveau autiste est, comme le disent Brigitte Harrison et Lise St Charles dans L’autisme expliqué aux non-autistes, un cerveau PERCEPTIF. Cela signifie que le cerveau autiste est organisé à partir et autour des perceptions et de la façon particulière dont celles-ci sont traitées. Ainsi, la personne autiste fonctionne au quotidien en premier lieu à travers ses perceptions, qui sont ses fondements, sont premier contact avec le monde extérieur et son propre monde intérieur. Or, souvent, ses perceptions fonctionnent selon une fréquence atypique, en hyper ou en hypo. Ces hypers sens et/ou hypos sens ont bien sûr de nombreuses répercussions sur la vie de la personne.
Ainsi, comme le dit Thomas Bourgeron “les personnes autistes perçoivent le monde extérieur de manière atypique, ils le sentent autrement”, parce que leur cerveau a une connexion particulière au niveau perceptif, ce qui plonge d’emblée la personne autiste face à une plus grande quantité et plus grande intensité d’informations sensorielles. Ce qui n’est pas sans conséquences !!
2/ Dans un deuxième temps, le cerveau autiste peut être qualifié de cerveau MANUEL tant dans son filtrage des informations perçues que dans leur intégration, assimilation et compréhension.
Le filtrage ou tri des informations pertinentes s’effectue manuellement à la différence des personnes neurotypiques qui les traitent de manière automatique, dynamique et fluide car ils peuvent se fier aux schémas qu’ils ont appris et auxquels ils ont facilement accès. Ils n’ont alors pas conscience de l’ensemble du traitement de l’information qui s’effectue en arrière fond, de manière rapide. Alors que pour la personne autiste “chaque information qui entre doit être traitée individuellement et à l’aide d’une gymnastique manuelle. Il faut lui laisser le temps nécessaire pour effectuer ses manœuvres.”
L’intégration et l’assimilation des informations se réalisant également de manière manuelle, cela laisse place à plus de liberté et d’indépendance d’esprit mais exige plus de temps et d'énergie et peut susciter plus d’anxiété.
Ainsi, cette double caractéristique du cerveau autiste, PERCEPTF et MANUEL, issue de ce positionnement neurologique particulier de départ “PAR SOI MÊME” a de nombreuses implications :
La personne autiste a un rapport au monde depuis ELLE-MEME (comme explicité dans le chapitre précédent), en fonction de ce qu’elle perçoit, ressent, comprend, interprète. A partir de son propre monde intérieur, alors que la personne neurotypique est légèrement désaxée, se référant davantage à une vision plus générale et impersonnelle.
La pensée autistique est BRUTE, au départ du moins (car elle peut se moduler à partir des autres ressources cognitives de la personne). Les perceptions apportent des informations non triées et non modulées à la personne autiste. Sa pensée est donc en premier lieu livrée de manière directe, brute, sans filtre préalable.
Tout ce que vit la personne est INTENSE. Ainsi, la personne autiste vit de manière plus intense tout ce qu’elle traverse et rencontre.
Son rapport au monde est DIRECT. En étant davantage dans un rapport avec le moment présent, dans le ici et maintenant, de manière circonstancielle et personnelle, en fonction d’elle.
Son cerveau fonctionne par SÉQUENCE, en bloc, de manière statique, comme un appareil photo qui prend une photo. Une photo, une séquence. Ceci plus ou moins rapidement selon les personnes, les moments et les situations. Ainsi, chez certaines personnes l’aspect séquentiel est invisible car ultra rapide, comme si l’appareil photo faisait une série ultra rapide de photos.
Ce travail par séquence se réalise à partir des DETAILS à la différence de l’approche neurotypique qui se fait de manière généraliste. La pensée autistique fonctionne à partir d’un détail (ou de plusieurs) : un élément, une perception, un mot, une sensation, une émotion… Un détail (ou plusieurs) après l’autre. Une consigne après l’autre. Un besoin après l’autre. Un objectif après l’autre. Sinon, il y a incompréhension, surcharge ou déviation.
Le cerveau autiste est donc HYPERFOCUS et capable d’investir son attention sur un sujet en allant l’explorer à fond et en profondeur, jusqu’au bout du bout. Ainsi, la pensée autiste est par essence hyperfocus soit pour un court instant, soit pour une longue durée.
La pensée est ainsi PRÉCISE sur certains points, sur certains détails, mais pas de manière systématique ou uniforme car cela se fait à partir de ce qui retient son attention et a du sens pour la personne.
Cette pensée est également ASSOCIATIVE, à la différence de la pensée neurotypique qui est synthétique, abstraite et tournée vers les aspects sociaux. La pensée autiste associe les perceptions d’après son catalogue interne d’informations déjà rencontrées pour comprendre et intégrer ce qu’elle appréhende, ce qui lui confère un sens particulier pour la comparaison et la mise en lien.
Son cerveau se base sur ce qui est VISUEL, VISIBLE et EXPLICITE, pouvant ainsi pousser loin l’analyse des détails accessibles. Il a donc de ce fait plus de mal avec les non dits, les implicites, les mensonges et les ambivalences.
Le raisonnement autistique est donc en soi LOGIQUE, en ce qui concerne les sujets sur lesquels la personne autiste se penche, et souvent à partir de postulats de départ qui diffèrent des autres.
La captation des informations est donc celle du PREMIER DEGRÉ, de ce qui est littéralement visible, explicite et accessible. Par contre, certaines personnes autistes ont d’autres ressources intellectuelles leur permettant de comprendre le second degré et le non littéral.
L’empathie de la personne autiste peut être atypique, soit en mode HYPER-EMPATHIE soit en mode HYPO-EMPATHIE. A partir de ce qui la touche elle-même, des circonstances et de la personne concernée le cerveau autiste peut se mettre en hyperempathie ou au contraire manquer d’empathie. Cela rejoint ce qui est appelé la théorie de l’esprit qui consiste à être capable de repérer et de comprendre les intentions et les états d’esprit des autres, où il est courant de dire que les personnes autistes ont un déficit de cette capacité. Pour ma part, je dirai plutôt que selon le sens donné à la situation relationnelle la personne autiste sera soit hyperfocus et empathique, soit l’inverse ; ainsi sa “théorie de l’esprit” sera fluctuante et atypique.
La personne autiste peut être souvent DÉCALÉE dans le TEMPS. Quelques fois en retard ou dans l’après coup parce qu’il a fallu du temps pour intégrer, assimiler et comprendre. Et à d’autres moments en avance, par anticipation et sens logique.
Toutes ces caractéristiques fondamentales du fonctionnement autistique ne se retrouvent pour autant pas nécessairement chez chaque personne autiste ou en totalité. Car il s’agit d’un fonctionnement aux multiples facteurs et facettes. Selon un ensemble d’intrications et un agencement complexe et unique chez chacun ces caractéristiques seront visibles ou non, en potentiel ou développées, compensées par d’autres spécificités neuro cognitives (HPI/THPI, TDAH…) ou au contraire mises en valeur par certaines spécificités (DI…), ou partiellement présentes voir même absentes.
Qu’est-ce qu’une personne autiste ?
Une personne autiste fonctionne en absorbant les détails qu’elle croise par séquence, avec une palette plus ou moins ouverte ou large de points de détails. Quelque fois une séquence sera vite traitée (intégrée et classée) pour faire place à une nouvelle séquence alors que d’autres fois la personne sera bloquée par la séquence absorbée.
Certains autistes vont absorber très peu de détails en une séquence alors que d’autres tels que les THPI vont en absorber une multitude. Certains vont les mémoriser sans problème car ils ont une excellente mémoire alors que d’autres pas du tout. Ainsi, il existe une grande variante de vitesses, de mémorisations et de “couleurs” de traitement manuel selon les personnes mais aussi selon les moments et les situations. Car pour de nombreuses personnes ce ne sera qu’après coup que l’intégration ou le blocage se fera sentir si celle-ci a appris à compenser, à masquer ou à se dissocier par exemple. Cet après coup peut se manifester par de la fatigue, de l’anxiété, des ruminations, de l’enfermement dans sa bulle, des crises, etc..
C’est donc un rapport au monde comme une communion permanente, répétée, intense et donc fatigante. Le corps et la cognition rencontrent ce qu’ils croisent à l'extérieur (un ou une multitude de détails selon les personnes et les situations) comme à l’intérieur. Lors de cette rencontre, il y a automatiquement une communion qui s’opère. Provocant le meilleur comme le pire, si je peux dire, l’extase ou la grâce comme la douleur et le chaos.
C’est pourquoi de nombreuses personnes autistes mettent en place un système de défense inconscient afin de se protéger de l’ampleur des sensations, du décalage cognitif dans le traitement des informations avec les autres et des bouleversements incessants qu’elles vivent. Ce système de défense est un système de compensation, de masquage, d’hyper-vigilance et de dissociation de soi. Ainsi, celles-ci arrivent, sans s’en rendre compte, à s’adapter au fonctionnement neurotypique et à passer inaperçues jusqu’au jour où cela ne fonctionne plus et/ou leur santé se dégrade.
Articles sur l’autisme, de l’intérieur
Si on s’éloigne vraiment des stéréotypes HPI/TSA…
“C’est fou ! Avant je croyais que la personne autiste/surdouée était quelqu'un qui avait des connaissances pointues sur un domaine (ou des domaines précis). Et que cette personne était tellement accaparée par ses intérêts spécifiques qu'elle en oubliait tout le reste, notamment les autres.
L'image stéréotypée !
Surtout que dans mon esprit les connaissances de cette personne concernaient des domaines scientifiques, intellectuels ou techniques. Je n'imaginais pas que les intérêts de la personne autiste et/ou de la personne surdouée pourraient être sur des domaines artistiques, humanistes, sportifs, éducatifs, manuels etc..
Maintenant, je suis émerveillée de découvrir chaque jour un peu plus de l'intérieur ce que sont réellement les ressources TSA/HPI. Et c'est passionnant de constater à quel point les personnes concernées par ce double fonctionnement sont parfois très éloignées de ce stéréotype.
Et passent inaperçues..
Car elles peuvent avoir des capacités d'hyper-attention et de grande lucidité à tout ce qui se passe autour d'elles, pour se faire petites et humbles. Pour ne pas prendre trop de place.
Observer, écouter, être empathique, ressentir, analyser très vite, et s'adapter.
Alors même qu'intérieurement elles sont envahies par de multiples sensations, émotions et réflexions.
Comme si au lieu d'envahir les autres par leurs connaissances savantes, elles se laissaient traverser intérieurement par une intensité et une densité continuelle.
Et qu'extérieurement elles demeuraient discrètes et invisibles.
Elles gardent, en quelque sorte, pour elles la complexité, la richesse et les subtilités qu'elles vivent et contemplent. Car cela est bien difficile à partager !
Et ainsi, tout le monde passe à côté de ces personnes (enfants, ados, femmes, hommes) qui ne ressemblent pas à un personne autiste ni à une personne surdouée alors même qu'elles vivent au cœur de toute leur personne une double exceptionnalité cognitive, sensible, physiologique, psychologique, etc..
Et elles-même aussi peuvent s'ignorer et ne pas se rendre compte.
Il reste encore beaucoup de chemin pour comprendre et donc détecter le fonctionnement autistique couplé du haut potentiel.
Pour que les nombreuses personnes concernées puissent se reconnaître et être reconnues. Et sortir du brouillard que l'absence de détection laisse.
Car tant que l'on ne connait pas son fonctionnement cognitif global il est plus difficile de vivre et de gérer sa vie réellement en fidélité à soi. Cette connaissance de soi est déterminante.
Alors, peut-être est-ce vous ? Ou un proche ?”
🌀 Le phénomène de compensation dans l'hypersensibilité sensorielle
Phénomène qui permet aux personnes neurodivergentes de s'adapter et de baisser leur niveau de divergence afin de passer plus inaperçues à leurs propres yeux et à ceux des autres.
Je trouve incroyable cette capacité humaine à compenser pour survivre lorsque l'on se trouve dans une situation inconfortable (voir très, très inconfortable) !
Compenser pour ne pas trop ressentir.
Compenser pour amoindrir la sensation désagréable ou qui fait violence.
Compenser pour détourner sa propre attention ailleurs.
Compenser pour nourrir ses autres forces, ressources, centres d'intérêts.
Compenser pour s'appuyer sur ce qui fait du bien.
Et, oui, l'enfant, l'ado et l'adulte mettent en oeuvre, parfois et dans certaines circonstances, de multiples ressources intérieures afin de palier à leurs sens à fleur de peau.
Différents types de compensations sont alors possible :
1/ La compensation sensorielle.
C'est alors un autre sens qui prend le relais lorsqu'un de nos sens est mis à mal par une sensation désagréable. Par exemple, la vue peut nous aider à compenser le bruit. On se focalise alors sur l'observation d'une situation ou sur un écran et la gêne du bruit n'a plus le même effet. Et ceci peut fonctionner, plus ou moins selon les personnes et le degré de la gêne sensorielle, avec l'ensemble de nos sens.
2/ La compensation intellectuelle.
L'intellect prend le relais afin d'amoindrir les effets de sensations incommodantes. Et l'attention portée ainsi sur la réflexion permet à la personne de vivre la pénibilité de sa ou de ses sensations de manière plus tolérable.
3/ La compensation spirituelle.
Moins évidente, et pourtant très efficace ! Ici, c'est la dimension spirituelle ou mystique qui donne la force à l'enfant ou à l'adulte de traverser les désagréments de ses sensations. Ainsi, la personne se focalise sur ses ressources de contemplation ou de méditation, d'émerveillement ou d'amour, ou sur son expérience d'unité et d'absolu et peut ainsi "oublier" pendant un temps ses sens contrariés. Son attention portée sur l'Essentiel lui procure une force compensatoire inestimable.
Or, si ces phénomènes de compensation à nos hypers sens sont souvent très utiles, et ceci depuis notre plus tendre enfance, ils ne sont pas sans conséquences !
Et oui, si la compensation peut permettre de s'adapter et de survivre, elle nous détourne de la réalité de notre sensibilité sensorielle. Elle nous coupe en quelque sorte de ce qui se passe véritablement en nous-même.
1. De ce fait, notre conscience de nous-même n'est pas ajustée.
2. Et pourtant, la fatigue est là, parce que le corps vit tout de même les contrariétés sensorielles.
3. Nous ne pouvons donc pas anticiper et nous protéger parce qu'on ne mesure pas l'intensité de la réalité de la gêne.
4. Il y a donc déni sur notre fonctionnement divergent, qui ne peut pas être reconnu ni pris au sérieux.
Qu'en dites-vous ?
🌀 L’autisme invisible concerne aussi les hommes !
Il est admis que l'autisme féminin est souvent plus difficile à détecter, car la fille ou la femme autiste compense davantage grâce notamment à certaines habilités sociales et s'investit dans des intérêts plus communs que son homologue masculin.
Or, je constate qu'un certain nombre de garçons et d'hommes ont la même "invisibilité", du fait de ces mêmes habilités à compenser et/ou à camoufler, et d'intérêts à des sujets "passe par tout".
Ainsi, s'il est primordial d'explorer ce qu'est l'autisme au féminin et de l'éclairer de plus en plus, il est, je crois, essentiel de mettre à jour les connaissances sur l'autisme masculin.
Comme si jusqu'à peu les connaissances étaient issues de l'observation de la face immergée de l'iceberg ; celle qui saute aux yeux.
Or, en découvrant que la fille et la femme autistes, aux subtilités et aux nuances plus discrètes ou plus complexes, existaient bel et bien et devaient êtres prises au sérieux, les connaissances sur l'autisme ont fait un bond en avant.
Il s'agit maintenant, d'intégrer les garçons, les ados et les hommes dont l'autisme est également peu visible, parce que léger, et/ou parce que compensé par d'autres ressources cognitives et/ou parce qu'il ne se manifeste pas tel qu'on l'attend, là où on l'attend.
L'homme autiste peut, tout comme la femme, s'intégrer bien dans la société, être engagé dans son travail, au sein de sa famille, ne pas avoir de comportements stéréotypés et passer inaperçu.
Et si nous osions aller vraiment au-delà des clichés et les représentations toutes faites sur l'autisme au masculin afin d'envisager de nouvelles perspectives ... et découvrir que d'autres petits garçons ou ados ou hommes sont concernés par ce fonctionnement qui mérite d'être vu et reconnu.
La parentalité, un intérêt spécifique (ou restreint) à part entière !
“Cela fait bientôt 18 ans que je suis maman. Et pendant des années je ne comprenais pas pourquoi je me sentais souvent en décalage avec les autres parents.
Comment se faisait-il que les autres ne vivaient pas la même intensité ni le même centrage sur leurs enfants ?
Aujourd'hui je comprends mieux ... une des raisons de cette différence est qu'un de mes grands intérêts spécifiques est : mon enfant (ou plutôt chacun de mes trois enfants).
Et oui ! Depuis la naissance de mon premier enfant, toute ma vie intérieure, mon intellect et tout mon corps se sont tournés du côté de la vie de mon enfant, puis du deuxième et enfin du troisième.
Or, si tout s'est retourné en moi et s'est centré sur le soin adéquate et approprié de mes enfants (dans le but qu'ils soient le plus sécures et libres possibles), c'est parce que mes ressources cognitives et sensibles sont faites pour s'investir totalement dans un intérêt.
Sans le savoir, mon fonctionnement autistique m'a fait m'engager dans ma parentalité avec une force et une détermination inouïes, sans relâche.
Aujourd'hui je suis heureuse de vous partager le fait que la parentalité peut être un intérêt spécifique pour la personne autiste !
Dans mon cas, comprendre mes enfants est devenu un sujet de recherche à part entière. Et répondre à leurs besoins m'a mobilisé toute entière, corps et âme.
Ainsi, depuis 18 ans je déploie une très grande part de mon énergie à la relation avec chacun d'eux.
Et j'ai beaucoup de gratitude envers mon fonctionnement atypique qui m'a mise au service de cette si belle cause.
C'est pourquoi j'ai à cœur de partager cette réalité : la parentalité peut être un très bel intérêt spécifique (ou restreint) chez la personne autiste !”
Je me fais croire…
“Je suis capable d'avoir une conversation très claire et adaptée avec quelqu'un, à la manière (presque) d'une personne neurotypique, mais cela n'est pas sans conséquences sur mon état intérieur.
Après coup, cela peut générer du stress, de l'émotivité, de la fatigue et un sentiment de chaos. Comme si le fait de me sur-adapter, de me travestir en quelque sorte, avait un effet après coup assez déroutant.
Car sur le moment lorsque la situation me motive à m'adapter pour atteindre un objectif qui me tient à cœur, je ne mesure pas à quel point je m'adapte, dans quelle mesure je mets donc de côté mon naturel.
Pour que ça passe bien , je suis capable de dire ce qui est attendu et de diriger la communication dans le "bon" sens. Et, cela fonctionne à merveille le temps d'une conversation !
Mais je me piège alors moi-même. Car j'y crois.
Je crois être cette femme qui s'exprime et qui communique en apparence si bien, de manière maîtrisée et adaptée.
Or, l'après coup me signale que je ne suis pas confortable avec cette pratique, avec ce rôle normatif que je m'impose.
L'après coup m'apprend que je viens de compenser, peut-être un peu trop.
Etre capable de compenser n'est donc pas toujours aidant, car cela peut nous piéger et nous détourner de notre véritable nature.
Et, ce qui est subtile est que lorsque je compense (sans m'en rendre compte) je me sens tout de même différente et en décalage par rapport aux autres, j'ai donc l'impression d'être assez authentique. Mon point de vue est différent, je me sens fidèle à moi-même.
Mais en réalité, je saute par dessus une grande part de moi car inconsciemment je mesure la profondeur du fossé. L'écart parait trop vertigineux !! ... alors je dois compenser pour l'amoindrir.
Que faire ainsi de cette part au-dessus de laquelle il est bien tentant de sauter par dessus afin de lisser un peu les choses ?
Peu à peu prendre la mesure des conséquences de ces sauts d'obstacle.
Pour oser apprivoiser l'ampleur du décalage, et l'inédit qui se cache. Afin de se rencontrer véritablement dans tous les aspects de soi qui d'habitude n'ont pas d'espace pour se détendre, pour être en toute simplicité.
Lever ainsi progressivement le voile sur sa véritable nature.”
🌀 Une histoire de présence
“Je suis encore étonnée, après tout ce temps de vie avec moi-même, de mon rapport au monde. De mon type de PRESENCE au monde.
Pendant un temps je me sentais comme une éponge qui absorbe tout ce qu'elle croise.
Mais en réalité il s'agit plus d'une adhésion. Je colle à tout ce que je vois ; ou alors tout ce que je vois me colle.
J'adhère physiquement à mon champ sensoriel : ce que j'entends, vois, sens.
Tout ce que j'entends se colle à moi, chaque bruit, son, chaque mot. Dans son état brut. Tel que cela est dit de manière explicite.
Tout ce que je vois se colle à moi, chaque détail, chaque attitude, expression, regard, chaque lumière, etc.. aussi dans son état brut.
Chaque odeur, chaque toucher...
Ça se colle ou je colle. Et quelques fois ou même souvent, cela demeure même une fois que la situation a changée.
Et ce phénomène s'opère aussi pour un film que je regarde, un texte que je lis ou une situation que j'imagine.
Chaque détail se colle à moi, et je ne sais pas toujours comment l'intégrer, l'ingérer ou le laisser de côté.
En réalité, le problème est que je ne sais pas quoi en faire.
Et ceci est le propre de mon rapport au monde, depuis toujours.
C'est comme si tous ces détails que mes sens et mon intellect captent m'étonnaient toujours. Alors je cherche à comprendre, j'en tire des conclusions, je ressens une flopée de sensations, d'émotions, mes pensées moulinent, je cherche le sens, la valeur.
Et je me sens soit en sécurité, soit en insécurité, selon le sens ou la valeur que je donne à ce qui se passe dans la situation que je vis, à l'instant t."
Et toi, comment vis-tu ta présence au monde ? Il y a-t-il des aspects qui te parle dans ce que j'évoque ?